Extraits de Byakko

Byakko est mon projet de roman en cours d'écriture. Ayant eu peu de temps à consacrer ces dernières années à mes romans, cela fait longtemps qu'il est commencé, et il a pas mal évolué en même temps que ma maîtrise de la narration évoluait elle aussi. Toutefois, terminer ce roman (rapidement) est désormais mon objectif principal.

Byakko V2

Explications autour du mystérieux japonais : (Contexte : le matin même, Elizabeth a été abordée sur le campus par un mystérieux japonais, qui lui a dit qu'elle ferait mieux de s'éloigner des Tora. A la suite de cette rencontre inquiétante, elle a commencé à se demander si les Tora n'appartenaient pas aux yakuza.)


Mitsuaki s'étonnait du manège d'Elizabeth. En rentrant des cours, elle avait dégusté une tasse de thé dans la cuisine avec ses deux colocataires, ce qu'ils avaient pris l'habitude de faire. Ou plus exactement, ils buvaient tous les deux du thé pendant que Toroki restait fidèle à son chocolat chaud. Mais pour une fois, Elizabeth n'avait pas filé dans sa chambre pour travailler ses cours dès sa tasse terminée, premier élément étonnant. Elle s'était mise à faire tourner lentement son mug du bout du doigt, le regard perdu à travers la table, puis avait commencé à jeter de rapides coups d'oeil en coin à ses colocataires. Deuxième point étrange.
Mitsuaki se demandait s'il devait lui parler quand elle redressa la tête et les regarda enfin en face.
— Ce matin sur le campus... il y a quelqu'un qui est venu me parler.
Elizabeth marqua une pause, comme si cette entrée en matière, pourtant très banale, lui avait déjà demandé un gros effort. Mitsuaki eut l'intuition qu'il devait y avoir anguille sous roche et sentit naître une inquiétude diffuse.
— C'était un japonais.
Mitsuaki se crispa. Même si son esprit ne formulait pas encore clairement la menace, il redoutait la suite. Elizabeth les regardait comme s'ils auraient dû savoir de qui il s'agissait, mais il ne voulait pas lui répondre.
— Que t'a-t-il dit ? s'enquit tranquillement Toroki.
Il bénit sa cousine pour son calme, et attendit avec appréhension la réponse d'Elizabeth. Il l'a vit déglutir.
— Il m'a conseillé de m'éloigner des Tora, et surtout de toi Aki. Il m'a dit que sinon je risquais d'avoir des ennuis.
Mitsuaki serra violemment les poings sous la table. L'envie le démangeait de fracasser la porte de placard la plus proche. Un léger contact de Toroki sur son bras le força à maitriser son accès de rage. Sa cousine n'avait pas quitté Lizzie des yeux, et elle lui adressa un petit sourire d'encouragement.
— A quoi ressemblait-il ?
Elizabeth se tourna vers lui, et parut soudain peu rassurée.
— Il avait les cheveux longs, attachés dans la nuque, un grand manteau noir et un fort accent quand il parlait. Et aussi, il paraissait très musclé, avec la même carrure qu'Aki. D'ailleurs, il ressemblait un peu à Aki, mais je pense qu'il était plus vieux. Je ne sais pas bien estimer l'âge d'un japonais, mais je ne crois pas qu'il était étudiant. Il avait... il avait le même regard sombre que celui d'Aki maintenant.
A cette remarque, Mitsuaki s'obligea à se calmer. Ce n'était pas sa colocataire qu'il voulait effrayer. "Amefuri" gronda-t-il tout bas.
— Vous le connaissez ? osa demander Elizabeth.
Mitsuaki ne voyait pas comment lui expliquer ce qu'il s'était passé sans se trahir. Il ne savait que répondre de cohérent.
Amefuri allait regretter son intervention. Amèrement.
— C'est un cousin, expliqua Toroki. Il est un peu... dérangé.
Pris au dépourvu par les propos de sa cousine, Mitsuaki resta un instant stupéfait puis faillit exploser de rire. Seule sa stricte éducation japonaise lui permit de conserver son sérieux. L'association entre Amefuri et "dérangé" était tant incongrue que sa colère s'était transformé en hilarité. Toroki risquait d'avoir quelques surprises à l'entrainement si ses propos parvenaient aux oreilles de l'intéressé. Sa cousine continua ses explications avec un joli jeu théâtral pour faire passer la pilule.
— Il lui arrive souvent de suivre Aki, et il semblerait bien qu'il ait décidé de le suivre jusqu'en Ecosse. Mais il n'est pas dangereux, ne t'en fais pas. Nous allons appeler notre famille pour qu'ils s'en chargent.
Elizabeth sembla un peu rassurée, mais pas totalement convaincue.
— Heu... vous avez beaucoup de cousins qui se promener en ville avec un katana à la ceinture ?
Mitsuaki songea qu'Amefuri n'allait pas seulement passer un sale quart d'heure. Il lui dirait aussi ses quatre vérités sur ses talents de discrétion. Toroki secoua la tête l'air désespéré, d'une manière qu'il trouva très théâtrale pour un japonais.
— Il s'intéresse trop aux samouraïs des temps passés. Je suis vraiment désolée qu'il soit venu t'importuner. Pardonne-nous pour cet incident.
Elle courba la tête comme si elle s'excusait véritablement du comportement déplacé d'un parent un peu fou. Mitsuaki apprécia la tactique. Elizabeth semblait en effet impressionnée par l'attitude de repentir de Toroki et, en bonne occidentale, gênée par la situation.
— Alors... vous n'avez rien à voir avec les yakuza ?
Mitsuaki et Toroki la regardèrent avec de grands yeux, trop sidérés pour réagir. Les joues d'Elizabeth rosirent, et cette fois-ci Mitsuaki ne put retenir son hilarité. Quand il éclata de rire, sa colocataire vira carrément au rouge.
— Je suis désolée, je dis n'importe quoi. Mais il était si inquiétant... et qui peut bien se balader avec un sabre à la ceinture ? Je me suis fait des films.
Devant son air penaud, Mitsuaki se sentit un peu coupable et calma son amusement.
— Non, nous n'avons rien à voir avec les yakuza, lui assura-t-il. Les Tora sont un clan très puissant, il est vrai, mais nous ne faisons rien d'illégal.
Elizabeth hocha la tête pour accepter ses paroles, mais elle n'osait plus les regarder. Le silence se prolongea jusqu'à ce que Toroki se décide à intervenir.
— Tu devrais aller travailler tes cours. Ca te permettra d'oublier toute cette histoire un peu folle.
Elizabeth acquiesça et se leva. Elle déposa sa tasse dans le lave-vaisselle puis fila vers sa chambre. Quand il entendit sa porte se refermer, Mitsuaki se tourna vers sa cousine et utilisa le japonais.
— Ca ne doit plus se reproduire.
Son ton était sans appel. Toroki acquiesça.

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